17 Mai2019
Off
0

Assurance « frais de santé » : pourquoi les entreprises ont intérêt à la scinder en 2 régimes distincs

Assurance « frais de santé » : pourquoi les entreprises ont intérêt à la scinder en 2 régimes distincs


La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 décembre 2018 (Cass. 2e civ. 20-12-2018 n° 17-26.958 F-PB, Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur c/ Sté Air France), a jugé que « La contribution de l’employeur finançant le régime frais de santé doit être soumise à cotisations de sécurité sociale en totalité et non pour la seule part versée au profit des ayants droit, dès lors que l’adhésion facultative de ces derniers prive le régime de caractère collectif et obligatoire. »

 

Dans cette affaire, la couverture litigieuse concernait une assurance « frais de santé ». Cette dernière bénéficiait à l’ensemble du personnel mais était ouverte aux conjoints et enfants à charge qui pouvaient l’accepter ou la refuser. Or, beaucoup d’ayants droit n’en bénéficiaient pas.

Par ailleurs, l’entreprise finançait le régime par une cotisation globale pour l’ensemble des bénéficiaires, sans distinguer la part couvrant les salariés de celle versée pour les ayants droit.

Compte tenu de cette particularité, le contrôleur URSSAF a estimé que l’adhésion facultative des ayants droit faisait perdre au régime son caractère obligatoire, ce qui lui permettait de réintégrer dans l’assiette des cotisations l’ensemble des contributions patronales finançant la couverture « frais de santé » des salariés. En effet, selon l’URSSAF, l’article L 242-1 du CSS exige que le régime de prévoyance complémentaire ou de retraite supplémentaire soit collectif et obligatoire pour ouvrir droit à l’exonération plafonnée de cotisations de sécurité sociale.


Devant la Cour d’appel, l’entreprise s’est prévalue notamment d’une interprétation de l’article L 243-6-2 du CSS figurant dans une circulaire ministérielle du 2005-396 du 25 août 2005, reprise dans une autre circulaire dûment publiée (la circulaire 2009-32 du 30 janvier 2009), qui prévoit que « Le fait que la couverture de l’ayant droit soit facultative n’est pas de nature à mettre en cause le caractère obligatoire. Toutefois, dans ce cas, la couverture de l’ayant droit étant facultative, la contribution de l’employeur versée à son bénéfice est totalement intégrée dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. ».


La Cour d’appel s’est prononcée sur le seul fondement de l’article L 242-1 du CSS qui ne vise, dans sa version applicable au litige, que les salariés. Elle a jugé que seule la part de la cotisation patronale versée au profit des ayants droit doit être soumise à charges sociales.


La Cour de cassation a censuré ce raisonnement : l’adhésion facultative des ayants droit au régime prive celui-ci de caractère obligatoire et conduit à la réintégration dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale de la contribution patronale pour l’intégralité de son montant.

 

La décision de la Cour de cassation pose problème, dans la mesure où l’argument tiré des circulaires interprétatives n’a pas été intégré dans les moyens de défense de l’employeur au niveau du pourvoi.


Devant la Cour d’appel de renvoi, l’entreprise devra solliciter l’annulation partielle du redressement en invoquant l’article L 243-6-2 du CSS et la circulaire précitée.


En tout état de cause, la prudence devrait inciter les entreprises à scinder en deux régimes distincts leur régime frais de santé : l’un collectif et obligatoire pour les salariés, qui ouvrira droit à exonération de la contribution patronale, l’autre, optionnel, pour les ayants droit, qui sera soumis à charges.

Maître Nathalie KOULMANN