09 Mai2022
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Le suivi médical des salariés et l’inaptitude sont des sujets en constante évolution

La loi santé est venue réorganiser les visites médicales des salariés tandis que la jurisprudence des juges du fond a continué de tenter de clarifier, ou pas, certaines obligations des employeurs.

I/ La loi du 2 août 2021 crée de nouvelles visites et apporte des précisions sur des visites médicales existantes qui s’impose aux employeurs

  • La création d’un examen de mi-carrière

Une visite médicale de mi-carrière, qui doit en principe être organisée au cours du 45e anniversaire du travailleur, est ainsi mise en place (C. trav., art. L. 4624-2-2). Ce nouvel examen médical vise à :

– établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié ;
– évaluer les risques de désinsertion professionnelle du travailleur ;
– sensibiliser le travailleur sur les enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

  • Le caractère obligatoire d’un examen médical post-exposition

Depuis le 1er octobre 2021, les salariés qui partent à la retraite et qui, au cours de leur vie professionnelle, ont occupé un poste à risque impliquant un suivi médical renforcé, doivent passer une visite médicale de fin de carrière.

Sont concernés, en particulier, les salariés qui ont été exposés à l’amiante, au plomb, à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, à certains agents biologiques, à des rayonnements ionisants, au risque hyperbare ou au risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d’échafaudages.

Depuis le 31 mars 2022, cette visite doit avoir lieu plus tôt si le salarié cesse d’être exposé aux risques professionnels avant son départ à la retraite.

Elle doit alors être organisée « dans les meilleurs délais » après cette cessation (visite dite « post-exposition »).

Il appartient à l’employeur de désigner les salariés concernés auprès de son service de prévention et de santé au travail. À charge pour ce service de vérifier si les conditions sont bien réunies pour organiser une visite post-exposition ou post-professionnelle.

Au terme de la visite, le médecin du travail remettra au salarié un état des lieux de ses expositions aux facteurs de risques professionnels et le versera au dossier médical, dans sa partie santé au travail. En outre, une surveillance pourra être mise en place si le médecin du travail constate une exposition du salarié à des risques professionnels dangereux.

  • Le contrôle des « polyexpositions »

En cas d’exposition à un risque chimique, chaque salarié fait l’objet d’un suivi médical renforcé.

Désormais, une attention particulière sera portée aux salariés se trouvant en situation de « polyexpositions », qui en interagissant, peuvent produire des effets susceptibles de présenter des risques aggravés pour la santé. Sont notamment inclus dans le champ de cette évaluation les effets des polyexpositions quels que soient les risques concernés telles que les expositions simultanées à des risques chimiques, au bruit et à des températures élevées.

Visite de reprise
Elle est obligatoire si le salarié était en arrêt de travail pour l’un des motifs suivants :

-après un congé de maternité, pour les salariées travaillant la nuit ou bénéficiant d’un suivi individuel renforcé,
-après une absence pour cause de maladie professionnelle,
-après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail,
-après une absence d’au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel pour les arrêts de travail postérieurs au 1er avril 2022 (s’ils sont antérieurs après une absence d’au moins 30 jours)

Visite de préreprise

Par ailleurs, aujourd’hui, une visite de préreprise est organisée par le médecin du travail à l’initiative du salarié, de son médecin traitant ou des services médicaux de l’Assurance maladie pour les arrêts de travail de plus de 3 mois (quelle qu’en soit la cause).
Pour les arrêts de travail débutant à compter du 1er avril 2022, une telle visite pourra être organisée, en cas d’absence supérieure à 30 jours et dès lors que le retour du travailleur à son poste de travail sera anticipé. Et, désormais, cet examen pourra être réalisé également à l’initiative du médecin du travail. L’employeur devra, lui, informer le salarié de la possibilité de demander à bénéficier d’une visite de préreprise.

Un rendez-vous de liaison

Nouveauté créée par la loi santé, un rendez-vous de liaison entre employeur et salarié, associant le service de prévention et de santé au travail (ex-service de santé au travail), pourra être organisé pour tout arrêt de travail de plus de 30 jours (quelle qu’en soit la cause)
Ce rendez-vous, qui pourra être mis en place à l’initiative du salarié ou de l’employeur, sera toutefois facultatif. Aussi, le salarié qui refusera d’y participer ne pourra pas être sanctionné. Il appartiendra à l’employeur d’informer celui-ci de la possibilité de solliciter l’organisation de ce rendez-vous.
À noter : ce dispositif, qui a notamment pour but d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’une visite de préreprise et de mesures d’aménagement du poste et du temps de travail, entrera en vigueur le 31 mars 2022.

II/ La jurisprudence, quant à elle, n’aide en revanche pas toujours les employeurs à sécuriser leur pratique… 
CA Lyon 5-11-2021 n° 19/01393; CA Fort-de-France 17-12-2021 n° 19/00151; CA Bourges 19-11-2021 n° 21/00153,

L’avis d’inaptitude entraine l’obligation de rechercher un poste de reclassement, et de consulter le Comité social et économique (CSE) de l’entreprise sur les possibilités de reclassement, avant de notifier à son salarié les raisons qui s’opposent à son reclassement.
L’employeur est néanmoins dispensé de rechercher un reclassement lorsque l’avis d’inaptitude mentionne que : (c. trav. art. L1226-2-1 et L1226-12) tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Mais la loi ne précise pas si l’obligation de consultation du CSE et d’information du salarié sur son impossibilité de reclassement s’appliquent en cas de dispense expresse de recherche de reclassement par le Médecin du travail.

Pour la cour d’appel de Bourges, la consultation du CSE constitue une garantie substantielle pour le salarié et le Code du travail ne prévoit pas expressément de dispense à cette consultation pour le cas dans lequel l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Aussi, pour la cour d’appel de Bourges, en l’état du droit positif, il revenait à la société de saisir le CSE, fût-ce simplement pour l’informer du contenu de l’avis du médecin du travail sur l’inaptitude du salarié, de sorte que, en omettant de procéder à cette formalité, elle avait privé le licenciement du salarié de cause réelle et sérieuse.
En revanche, pour la Cour d’appel d’Orléans ou de Lyon, ou pour celle de Fort de France, en présence d’un cas de dispense de reclassement, la consultation du CSE n’a plus d’objet et n’est donc pas nécessaire.

La Cour de cassation ne s’étant pas encore positionnée sur cette question, il convient d’interpréter ces arrêts avec prudence et dans le doute de consulter le CSE et d’informer le salarié lorsqu’il est impossible de le reclasser.


Nathalie KOULMANN, Avocat Associé